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Mais apprenez-leur à bien conduire !!! (parole d'usager...)
11 septembre 2012

Vas-y Flash Mc Queen !

août 2012,

 

Le moteur est en sur régime manifeste, il hurle son nombre de tours par minute en zone rouge, il émet même ce petit son aigu que les petits garçons se plaisent à imiter lorsqu'ils jouent aux grands avec leurs voitures de petits. La vitesse est excessive et fort inadaptée sur ce parking vide, commun à une école, heureusement déserte, et à une église. L'automobile penche tellement dans les virages de ce circuit en rond que son adhérence à la chaussée lui fait défaut ; elle crie et ça crisse à nos oreilles ! Nous roulons au pas, longeant le bord de cette large zone bitumée. Les places centrales nous séparent momentanément de la bombe de métal mais déjà les deux élèves et moi-même (oui, nous sommes trois ce jour-là) devinons, sans mérite car c'est évident, que l'obus ne s'arrêtera pas sur son chemin. Un coup d'oeil perspicace ainsi qu'un savant calcul de trajectoire dont je me fais le chantre, me permettent de conclure avec un indice de confiance très élevé que nos chemins sont liés et que le risque de collision est élevé. Certes, le conducteur de cette vieille automobile... non, que dis-je, on ne peut pas appeler cela conduire, il me fait davantage penser à ces gens qui ont des tocs ! D'ailleurs, petite parenthèse culturelle, il y a peu, j'ai vu un reportage à la télé où un jeune adulte adressait des baffes à sa mère lorsqu'elle était au volant mais on nous expliquait que c'était pas méchant. Ca partait d'un seul coup et le pauvre bougre, victime d'être coupable, caressait ensuite tendrement et avec sincérité je crois, la zone rougit sur le visage de sa pauvre maman laquelle semblait s'habituer à ce quotidien étrange. Le malade filmé ne semblait pas se contrôler ; impression que le journaliste confirmait par ses propos.

Certes, donc, le malade au volant pouvait, s'il le voulait nous éviter en passant à côté de nous. Mais le voulait-il ? Si oui, aurait-il le talent pour opérer son éviction ?

Le strident bruit des pneus qui glissent indiquent qu'il est déjà dans le virage duquel nous ne sommes pas loin, je le vois dans mon rétro, essayant de capter son regard pour tenter de deviner ses intentions ; talent dont je suis toutefois bien incapable mais tel est ce qu'on voit dans les films, alors, on ne sait jamais...

Fin stratège, ne quittant pas mon rétro des yeux, l'oeil vif, la truffe néanmoins humide, signe de bonne santé, tendu par un avenir proche que j'entrevois comme brutal, investi par le caractère héroïque d'un personnage que je joue, j'invite mon élève à stopper sa marche arrière en ligne droite afin de réduire le risque. Face à son silence, à celui de sa copine assise à l'arrière et à l'absence de secousse marquant l'arrêt de sa prestation rectiligne dans le sens inverse de la marche (à noter ici que nous les moniteurs, grands comiques pour certains, nous aimons le demander à l'élève ainsi, parfois), je le regarde interrogateur. Son attitude désabusée face à mon injonction m'invite à me questionner ; la conclusion s'impose : il l'avait déjà fait. « Bonne initiative, jeune apprenti ! » lui dis-je alors.

La vielle voiture marron se rapproche à grande vitesse, elle grossit dans le petit miroir. Le bruit d'un moteur auquel le supposé malade refuse d'alléger une surchauffe probable en passant la vitesse supérieure, va croissant. Quelques phrases peu élogieuses concernant les aptitudes cérébrales de cet étrange personnage sont balancées par les deux élèves inquiets. Leurs mots sont des torpilles mais le missile ne se désintègre pas. Attention, dans quelques brefs instants, nous saurons si nous serons les tristes inspirateurs de quelques lignes dans la presse régionale. Crissements de pneus à nouveau, disparition soudaine de la masse métallique dans mon rétro, vrombissement qui s'éloigne. Ouf, il est passé et continue son manège infernal pour finalement s'arrêter auprès d'une fillette assise sur un banc. Il ouvre sa porte, peut-être va-t-il dégueler ; vomir sa bêtise ? Nous ravalons notre peur en échangeant quelques phrases sur cet individu dont nous devinons une enfance malheureuse ou un lourd fardeau quotidien à porter auquel cette pauvre âme tente d'échapper en roulant vite.

J'invite mon élève à reprendre l'exercice de marche arrière. A peine a-t-il effectué quelques centimètres que « cheval fougueux » redémarre sa vieille machine, laquelle hurle déjà ; suivant son idée comme une mouche suit l'odeur nauséabonde des excréments. Nous nous arrêtons à nouveau, à ma demande cette fois. Il arrive vers nous, près de nous... sur nous ? Non, toujours pas. Il passe à côté mais nous regarde, cette fois-ci. On dit que les yeux sont le reflet de l'âme ; il doit y avoir plusieurs étages car dans son regard, aucune lumière, nous sommes dans le sous-sol d'un pauvre homme qui ne voit jamais le jour ! Regarde où tu vas plutôt que de nous toiser, abruti, si tu ne veux pas que nous jubilions en applaudissant Dame Sagesse !

La bêtise, on ne peut que la subir ou s'y soustraire ! Après avoir goûté à la première option, nous choisissons maintenant la deuxième. Nous prenons congé de cette dangereuse compagnie et nous sortons du parking. Alors que nous sommes dans la petite descente qui nous sépare de la route, la voiture marron se gare à nouveau près de la demoiselle. Apparemment, il n'aime pas les auto-écoles celui-là ! La raison de ses agissements est peut-être tout autre. Peu importe.

Avec les deux élèves, nous nous interrogeons alors : que disait-il à l'enfant qui avait l'âge d'être sa fille ? Et elle, qu'en pense-t-elle ? Quel triste exemple !

Allez, générique et musique de fin... mélancolique et au piano, ça s'y prête mieux...  

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Commentaires
Mais apprenez-leur à bien conduire !!! (parole d'usager...)
  • ...mais au-delà du titre, moniteur auto-école, c'est aussi sentir de trop près un poids lourd, recevoir la promesse de l'ultime combat, juger que, finalement on supporte plutôt bien la comparaison. C'est aussi rencontrer pour souvent s'émerveiller...
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