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Mais apprenez-leur à bien conduire !!! (parole d'usager...)
11 septembre 2012

Tais-toi et double !

 

mois de juin 2012,

 

 

C'est la fin de l'heure, nous stoppons notre voiture école face à l'agence, parallèlement à d'autres stationnées sur notre gauche. Les usagers sont loin derrière, ça « devrait le faire ! », comme disent les jeunes. L'élève commence sa manoeuvre ; plus exactement, il débute sa réflexion sur la démarche à adopter pour faire en sorte que cette petite Peugeot d'une tonne et demie presque, se retrouve à côté et bien rangée. La tête bouge dans tous les sens, le buste accompagne, le regard semble refléter un processus cognitif intense. Mais comment faire ? Sans la porter, sans faire appel à un ami, sans avoir peur d'être filmé par un individu bienveillant qui traînerait dans le coin et qui projetterait déjà de faire partager ce beau moment de solitude avec une cohorte d'individus railleurs ? Traîne pas trop mon gars, pensai-je alors car le feu en aval a libéré de son vert tant attendu, la meute qui vrombit de plus en plus fort. Certes, le clignotant est mis et, tant que la voiture ne bouge pas, je veille à garder les feux stops allumés afin que les automobilistes se décalent sur la voie de droite pour se dégager avec compassion, compréhension, sourires bienveillants ; charmés par cette situation d'apprentissage, réminiscence d'un passé hélas souvent trop lointain...

Un « vieux » (c'est ainsi que le jeune désigne une personne de cinquante ans) arrive derrière et s'arrête. Ne nous fâchons pas, pas de mandales à distribuer dans ce cas, il ne peut effectuer son changement de voie étant donné l'important trafic. Nous attendons, il attend. Je profite de cet instant d'immobilité pour me livrer à une étude sociologique ayant pour titre : « Comment réagit un usager lorsqu'une voiture lui bloque la route ? » Il ne semble pas s'énerver comme c'est souvent le cas. L'expression de son visage n'inspire rien, ni la colère, ni l'agacement mesuré de l'usager qui comprend mais qui s'agace quand même ! « faut pas déconner quand même ! Merde ! »  « Ils pourrait avoir leurs pistes à eux ! » Comme on me l'a déjà dit... déjà aboyé.

Décidément, il ne bouge pas... pourtant ce serait bien maintenant ! Plus aucun véhicule ne passe. Je revérifie dans le rétro ; peut-être a-t-il eu un malaise ? Peut-être le caractère inexpressif de son visage témoigne-t-il de la présence de la grande faucheuse dans ce corps désormais inanimé ?!!! Manifestement non, les yeux sont comme la voiture, ils clignotent... en rythme ? Non, dommage ; ne faire qu'un avec son véhicule, c'est aussi ce qu'on enseigne...

Donc, résumons la situation du point de vue du badaud : deux voitures sont arrêtées sur la voie de gauche, l'une, la plus en avant clignote avec les feux stop et les feux de recul allumés et l'autre est collée derrière. Les occupants semblent attendre. Il fait beau, le soleil rayonne et au loin quelques nuages augure la fraîcheur d'une pluie à venir. Sur notre côté droit se trouve l'agence. A travers la baie vitrée de celle-ci, la secrétaire me regarde, je la regarde, nous nous regardons. L'élève, comme souvent il le fait, parle en des propos peu élogieux au « vieux » derrière nous ; dialogue finalement unilatéral où les champs lexicaux de la colère mais aussi de l'étonnement sont perceptibles.

Bon, va falloir que je connaisse le dessein de cet individu qui tourne la tête quand je le regarde dans mon rétro. Peut-être sa marche arrière est-elle en panne ? Peut-être son véhicule n'en est-il pas équipé ? Peut-être ne sait-il pas quoi faire ? Peut-être a-t-il peur de reculer car paralysé du cou ? Ah non, cette dernière hypothèse est impossible. Non pas qu'on ne puisse pas trouver une personne au cou de marbre mais davantage parce que, en général, l'usager qui recule, feignant ou ignorant, ne tourne que très rarement la tête pour rouler dans le sens inverse de la marche, bien persuadé que seul le rétro suffit. C'est un petit peu comme ces gens, l'hiver, qui ne déneigent que quelques centimètres carré sur le pare-brise, de préférence face aux yeux et qui sont persuadés que « le danger sur la route, c'est les autres ! »

Après un dernier examen de la situation, je décide finalement d'aller m'entretenir avec ce mystérieux « vieux ». Je suis maintenant à la hauteur de sa fenêtre, posté sur la route et entendant à nouveau la meute encore lointaine libérée par l'automate aux ampoules de couleur... pas les mêmes usager j'espère, sinon, c'est qu'ils tournent en rond ! Je fais signe d'un mouvement circulaire de l'avant bras au quinquagénaire de baisser sa vitre afin que nous ayons un échange. Il m'ignore toujours. Je pensais manquer de charisme mais à ce point, il va finir par me fâcher celui-là ! Je frappe donc courtoisement à sa vitre afin de lui signifier ma présence, laquelle l'étonnera peut-être. Louange à toi Seigneur, il baisse sa vitre !

- Bonjour (faut toujours commencer comme ça, ça fera un reproche en moins), vous n'avez pas vu qu'on voulait se garer là (je lui montre la place convoitée pour illustrer mon discours lequel pourrait s'avérer peut-être abscons), on a les clignotants et les feux de recul ! (je rends ainsi légitime mon intention).

Il semble un peu étonné et me répond ainsi tout en entamant un début de marche arrière (attention, vaut mieux pas mon gars, t'as du monde derrière) :

- Nan mais vous pouvez pas vous garez ailleurs, y a pas d'autres endroits pour apprendre, non !!!

- Bah, dans la mesure où nous rentrons à l'agence parce que l'heure est finie, ça me paraissait pas mal de me garer là !

A peine ma phrase finie, pardon, avant d'avoir terminé ma phrase, il entame un discours avec moi... ou sa voiture je ne sais pas, dans un dialecte que je ne connais pas : des syllabes, des sons indistincts se succèdent rendant le propos totalement obscur.Je finis tout de même par le remercier mais j'avoue prendre plaisir à le faire avec une hypocrisie fortement identifiable. Je remonte en voiture en ayant bien pris soin d'éviter les obus qui passent à quelques centimètres de mon anatomie. Dans mon rétro, je le vois virer à tribord avec vigueur et bruit. Son véhicule est maintenant devant, il s'éloigne à l'horizon signant sa trajectoire d'une fumée noirâtre, à l'image de l'humeur de ce personnage qui racontera très certainement à son épouse ou à ses potes du bistrot, qu'il s'est fait emmerder par une auto école...

 

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Commentaires
Mais apprenez-leur à bien conduire !!! (parole d'usager...)
  • ...mais au-delà du titre, moniteur auto-école, c'est aussi sentir de trop près un poids lourd, recevoir la promesse de l'ultime combat, juger que, finalement on supporte plutôt bien la comparaison. C'est aussi rencontrer pour souvent s'émerveiller...
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